Guinée : une consultation nationale pour conjurer la crise de liquidité
Suite à ma première tribune publiée dans le groupe Evasion TV le 15 août 2025, où je soulignais que « la stabilité monétaire repose autant sur la communication et la gestion psychologique que sur la politique économique proprement dite », il apparaît aujourd’hui crucial d’aller plus loin et de mobiliser tous les acteurs pour agir concrètement.
La Guinée traverse actuellement une crise de liquidité qui, si elle reste conjoncturelle, pourrait rapidement devenir structurelle et menacer la stabilité de notre économie. Dans un pays où une part importante des transactions repose encore sur l’espèce, l’assèchement des liquidités exerce une pression directe sur les ménages, les entreprises et l’État.
Une crise de confiance avant tout
Au-delà des aspects techniques liés à la régulation monétaire, cette crise est surtout une crise de confiance :
• Les acteurs économiques expriment une forte méfiance vis-à-vis des banques primaires.
• Les populations s’inquiètent de ne pas pouvoir disposer librement de leur argent.
• Les opérateurs économiques redoutent les conséquences d’une paralysie prolongée des flux financiers.
Sans confiance, aucune mesure technique ne peut produire les effets escomptés.
Le rôle central du Président de la République
L’histoire économique récente montre que le leadership politique est déterminant dans la gestion des crises :
• En janvier 2004, le président Lansana Conté avait réuni des opérateurs économiques pour discuter de la hausse des prix des denrées de première nécessité.
• En juin 2005, confronté à une flambée du prix du riz, il convoqua les principaux importateurs et leur demanda publiquement de baisser leurs prix.
• En février 2016, le président Alpha Condé convoqua les opérateurs économiques pour échanger sur les tensions inflationnistes.
• En juillet 2018, il engagea un dialogue tripartite entre gouvernement, syndicats et patronat afin de contenir les effets de la hausse du prix du carburant.
Ces initiatives ont porté leurs fruits, car elles plaçaient le dialogue et la concertation au cœur du processus.
Une assise nationale pour agir vite
Face à la gravité de la crise actuelle, il apparaît nécessaire que le président Mamadi Doumbouya prenne une initiative similaire en organisant une consultation nationale réunissant l’ensemble des parties prenantes :
1. Institutions publiques : Présidence, CNT,Primature ,membres du gouvernement, collectivités locales, Cour des comptes, Inspection générale d’État.
2. Banque et secteur financier : Banque Centrale de la République de Guinée, Association professionnelle des banques, microfinance, assurance, fintech.
3. Secteur privé et opérateurs économiques : Patronat guinéen, GOHA, Chambre de commerce, coopératives agricoles, syndicats, associations de femmes et de jeunes entrepreneurs.
4. Société civile et consommateurs : Associations de consommateurs, think tanks économiques, universités et centres de recherche.
5. Partenaires techniques et financiers : Institutions internationales et régionales (Banque mondiale, FMI, BAD…).
Restaurer la confiance, libérer l’économie
Cette assise devrait :
• Restaurer la confiance entre l’État, les banques et les acteurs économiques.
• Identifier des mesures d’urgence pour fluidifier la circulation monétaire.
• Engager des réformes structurelles pour moderniser le système financier guinéen, notamment via la digitalisation et la diversification des instruments de paiement.
Conclusion
La crise de liquidité actuelle constitue une alerte sérieuse. Si elle est traitée rapidement et de manière inclusive, elle restera conjoncturelle. Sinon, elle risque de devenir structurelle et d’asphyxier l’économie nationale.
Le président Mamadi Doumbouya, en initiant un dialogue national sur ce sujet, enverrait un signal fort de leadership et de responsabilité. C’est dans la concertation et la transparence que réside la clé pour restaurer la confiance et relancer la dynamique économique de la Guinée.
✍️ Yaya Keita, Économiste –Stratégie et Finances
