Mathias Léno : Le destin tragique d’un bandit de légende

Jamais dans l’histoire de la Guinée un nom n’aura autant marqué l’imaginaire collectif que celui de Mathias Léno. D’un anonymat total, il est devenu, au début des années 90, la figure la plus tristement célèbre du grand banditisme en Guinée. Sa légende, tissée de bravade et de désespoir, a atteint son apogée lors de son procès, un spectacle judiciaire sans précédent, retransmis en direct à la Radiodiffusion Télévision Guinéenne. Pendant des mois, du 7 février au 8 août 1995, la nation entière a été captivée par les déclarations de cet homme, dignes des plus grands films hollywoodiens.
Né en 1974 à Foulaya, dans la région de Kindia, le parcours de Mathias Léno a été marqué par une enfance “brisée”. Fils d’un agronome et d’une mère au foyer, il a vu le cocon familial se déchirer au gré d’un divorce. Il a alors été confié à son grand-père maternel à Guéckédou, une ville qui allait devenir le théâtre de ses premiers pas dans le monde criminel.
Animé par un désir d’appartenance, il a toujours préféré la compagnie des « grands » du quartier, ces voyous qui lui offraient l’admiration qu’il ne trouvait pas ailleurs. C’est sur le chemin de l’école qu’il a commis son premier larcin, un acte anodin qui a scellé son destin.
En 1991, Mathias, alors adolescent, a été arrêté pour le vol de tôles sur un chantier. Brutalement battu avant d’être conduit au commissariat, il a fait l’expérience de l’injustice et de la violence du système. Cette humiliation a agi comme une étincelle.
S’échappant peu de temps après, il a fui vers Faranah. Là-bas, il a croisé le chemin de Lansana Mara, plus connu sous le nom de Ando. [À ne pas confondre avec l’autre Ando Sossé Gnakhi, qui était Cissé, lui]. Ce dernier, un bandit endurci, l’a pris sous son aile et lui a enseigné l’art du vol à main armée, lui apprenant à manier l’arme TT30. Après plusieurs opérations fructueuses, l’arrestation de Ando a mis fin à leur collaboration, poussant Mathias à chercher de nouveaux horizons à Conakry.
Dans la capitale, il a d’abord commencé par des vols à l’arraché : les pickpockets, rejoignant une bande de jeunes malfrats de Madina, parmi lesquels Naby Moussa Soumah, dit Gordon et Sékou Diané. Son ami le plus proche à cette époque était Mohamed Soumah, dit Salva. Mais en 1992, le destin l’a rattrapé.
Arrêté dans un bar à Madina, il a été condamné à deux ans de prison. C’est dans les geôles de la Maison centrale de Conakry qu’il a franchi une nouvelle étape dans sa formation. Il y a rencontré les plus grands noms du grand banditisme de l’époque, notamment le sieur Djibril Koly Koné, alias Zizi.
Son amitié avec ce dernier a été déterminante. À la veille de sa libération, survenue le 22 décembre 1993, Zizi lui a donné son adresse, offrant à Mathias un point de chute pour l’avenir.
En mars 1994, Mathias a recouvré à son tour la liberté. Sans endroit où aller, il a tenu promesse et s’est installé chez Zizi à Hafia. La maison de ce dernier était le lieu de ralliement de l’élite du crime de Conakry.
C’est dans ce repaire que Mathias a fait la connaissance de figures notoires comme Kalil Le Général et Mamadou Malifa Baldé, dit Ben. Au contact de ces hommes, il a appris à manier des armes de guerre, notamment le PMAK, et à organiser des opérations d’envergure.
Le 30 octobre 1994, Zizi est arrêté à la suite de l’attaque perpétrée contre le domicile du pilote Diallo. Mathias s’est alors retrouvé seul, propulsé à la tête d’une équipe de braqueurs. Du 1er novembre au 27 décembre de la même année, il a dirigé une bonne dizaine d’opérations avec ses complices, laissant derrière lui un sillage de violence et de peur.
Sa cavale a pris fin en février 1995, “trahi” par un membre de sa propre famille à Guéckédou qui l’a filé aux forces de défense et de sécurité.
Jugé et condamné à mort pour les meurtres qu’il avait commis, Mathias Léno, de son vrai nom Tamba Toundoufèdouno, a été exécuté six ans plus tard. Son nom reste à jamais gravé dans la mémoire du grand banditisme en Guinée.
Source : Mady Bangoura journaliste